COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Partage des données numérisées de santé : le gouvernement se passe du consentement libre et éclairé
10/03/2025
Des patients, des associations de psychologues cliniciens francophones et néerlandophones (APPELpsy et KLIpsy), associés à une association de psychologues praticiens d’orientation analytique (APPPsy), à la Ligue Bruxelloise pour la Santé mentale (LBSM) et à la Ligue des droits humains (LDH) ont déposé solidairement un recours au Conseil d’État ce 17 février 2025 pour défendre l’usage du consentement libre et éclairé dans le cadre du partage des données informatisée des patients, et défendre le droit des patients à s’opposer au partage de leurs données de santé par catégories de professionnels tel que la loi le permet.
Afin de faciliter l’usage et le partage des données, le gouvernement fait passer à la trappe le consentement libre et éclairé et la possibilité de protéger certaines données de santé sensibles, potentiellement stigmatisantes, même entre professionnels de santé.
Ce sont les arrêtés royaux adoptés le 15 décembre dernier – alors que le gouvernement était en affaires courantes – sur l’accès aux données de santé et mettant en application les articles 36 et 37 de la loi du 22 août 2022 relative à la qualité des pratiques de soins de santé qui sont incriminés par ces patients et associations par la voie de leur avocat, Maître Vincent Letellier. Deux recours ont également été déposés récemment par des patients, APPELpsy et KLIpsy à la Cour Constitutionnelle[1] pour demander à l’État de respecter ses obligations en termes de protection des données dans le cadre de la numérisation accrue des données de santé, sans discrimination et sans débats sur le préjudice possible pour les citoyens quant à la numérisation excessive, notamment de données liées à la vie intime.
Ces patients et ces associations dénoncent l’érosion du secret professionnel, sacrifié sur l’autel de la sacro-sainte « efficacité », devenue le modèle de la qualité du soin et servant d’argument forcé pour pousser à un partage de données, de toutes natures, sans discernement, par voie électronique (plate-forme e-health, MetaHub). Ils souhaitent également obtenir un respect strict du consentement libre et éclairé et non un système informatique qui fonctionne selon la fonction « opt out[2] » – ce qui équivaut à la logique du « qui ne dit mot consent » –, ainsi qu’un réel débat démocratique autour de la numérisation de données sensibles, sans qu’aucun contrôle ne soit prévu par l’État dont c’est pourtant l’obligation.
Il ne s’agit pas de nier l’importance, dans certains cas, notamment d’urgence somatique, d’avoir accès à certaines données de santé de manière facilitée et anticipée, mais de dénoncer le tournant que prend le gouvernement, sans débat parlementaire, à faciliter la numérisation et le partage des données au mépris des droits fondamentaux : droit à la protection des données intimes des citoyens, à l’accès aux soins et au respect du consentement libre et éclairé.
Les associations souhaitent aussi obtenir une différenciation du type de données par catégorie de professionnels, comme la loi du 22 août le permet, et un traitement différent selon la nature de ces données : un résultat de prise de sang n’équivaut pas à un diagnostic psychiatrique ou à une information concernant des violences familiales, etc. Il n’est pas forcément nécessaire, par exemple, que votre kinésithérapeute ait accès par voie numérique aux données liées aux derniers examens de contrôle demandés par votre gynécologue. Mais penserez-vous à vous y opposer ? Les dispositions d’accès posent également un problème pour les mineurs, en situation de conflits intrafamiliaux, par exemple, dont les parents ont accès à leur dossier. Comme pour le droit à l’oubli, rien n’a été prévu.
L’État belge a le devoir législatif de protéger ses citoyens en matière de vie privée et non de faciliter une collecte de données à large échelle au mépris des risques sociaux, financiers (marchandisation et hacking) et de délabrement de la qualité de la relation de confiance entre les professionnels et les patients.
Contacts : Hélène Coppens, présidente d’APPELPSY 0478/75.49.85 et Maître Letellier 0477/20.61.91
[1] Ces recours demandent l’annulation de certains articles de la loi du 6 février 2024 « modifiant la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient » et modifiant les dispositions en matière de droits du patient dans d’autres lois en matière de santé, ainsi que des articles du décret du Parlement wallon du 10 janvier 2024, modifiant le Code wallon de l’action sociale.
[2] L’opt-out s’oppose à l’opt-in où le patient marque explicitement son accord pour le partage de ses données, en tout ou en partie.