Une année de confirmations, c’est ainsi qu’on pourrait qualifier 2023. Des confirmations en tous sens, dans les bons comme les moins bons.

Du côté des mauvaises nouvelles, les difficultés sociales et de santé, en particulier de santé mentale, se montrent bien ancrées et allant en s’aggravant. Le nombre de demandes et d’orientations vers nos services membres a fortement augmenté, sans que les capacités d’y répondre suivent. Que ce soit les troubles psychiques graves des jeunes, l’éloignement des services publics de première nécessité, l’abandon de nombreuses personnes sans ressources dans les rues de Bruxelles ou la multiplication des addictions, le constat de la précarisation au sein de la population bruxelloise se répète. Les gouvernements de la Région ont essayé d’y répondre, mais avec des moyens limités, alors que les leviers les plus importants se situent immanquablement au niveau fédéral.

La précarité touche aussi les travailleurses du social-santé : certaines fonctions ne trouvent plus de candidates et là où nos services devraient pouvoir aligner davantage de personnel, ils doivent aujourd’hui chercher à combler des places vacantes. Les 2 problèmes sont bien liés : c’est bien la dégradation des conditions sociales et de santé au sein de la population qui rend le travail d’aide et de soins de plus en plus ardu et qui sert dès lors de repoussoir. La Ligue et les autres fédérations du social santé sont allées le clamer le 31 janvier 2023 au Parlement bruxellois. Les réponses reçues des parlementaires étaient de l’empathie mais une absence de solutions concrètes. Le sentiment d’impuissance verse dans le fatalisme.

La pénurie est présente dans certaines fonctions, dont celle des psychiatres et pédopsychiatres, cette branche plus sociale de la médecine ancrée notamment dans les équipes des SSM. 2 SSM se retrouvent aujourd’hui sans médecin et la tendance pourrait s’aggraver. Las  ! La mesure attendue de la part de la COCOF pour y apporter une part de solution, a été rognée de moitié et manque sa cible. Cette confirmation-ci est arrivée en bout de course et la poursuite de la pénurie s’avère certaine.

La Ligue a vécu la confirmation douloureuse de la fin de certains subsides et le départ, sur les 4 derniers mois de l’année, d’un peu plus de la moitié de ses effectifs. L’équipe se resserre sur le noyau de base mais cela implique de revoir l’ampleur des actions menées, afin d’éviter la surcharge et l’épuisement. Nous cherchons par ailleurs d’autres sources de financement pour permettre à la Ligue de répondre aux missions que ses membres lui ont confiées.

Dans un sens plus positif, 2023 a confirmé une série d’éléments essentiels : les équipes de terrain regorgent de créativité et entendent déployer inlassablement un travail de qualité au service de la population : aider et soigner, oui, mais pas n’importe comment et toujours en veillant à respecter la dignité des personnes et à les renforcer en tant que sujets. Cela s’est entendu par exemple lors de journées d’études où des équipes présentaient leur travail clinique, cela s’est vu notamment durant la Semaine pour la Santé Mentale, rendue possible grâce à l’énergie de quelques-unes et aboutissant au déploiement d’œuvres vivantes offertes au regard et à l’écoute en octobre dans les Halles Saint-Géry.

Des avancées ont été obtenues : certains projets du plan de relance post-COVID passeront bien en 2024 dans l’enveloppe structurelle des subsides bruxellois  ; le Coin des Cerises a obtenu un agrément provisoire comme SSM et en 2024, l’Entr’Aide des Marolles devrait le recevoir aussi, ce qui répond à une revendication portée depuis 2019 par la Ligue. Au fédéral, le dispositif des psychologues de première ligne se poursuit et il importe de travailler davantage sur les articulations avec ce dispositif, comme avec ceux déployés par la réforme 107. L’inter-sectorialité se renforce également : de multiples actions s’inscrivent résolument dans des partenariats où la santé mentale constitue un axe parmi d’autres, mais un axe pris en compte et dans certains cas, moteur.

La santé mentale constitue bel et bien un enjeu aux yeux des politiques et plusieurs partis en font un axe en vue de la prochaine législature. C’est là une avancée à soutenir, en restant vigilantes quant à la place qui sera accordée à l’ambulatoire et à la prévention, les parents pauvres récurrents des politiques de santé. 

Enfin, je tiens à souligner un dernier élément, sans lequel peu de choses seraient possibles : le plaisir de travailler ensemble reste au cœur de la Ligue. Que ce soit avec les membres, dans les différentes instances et au sein de l’équipe, les personnes présentes témoignent chaque jour de l’envie d’agir ensemble, créant des liens qui peuvent durer, et cette joyeuse énergie est sans doute la meilleure confirmation que 2023 nous ait apportée.

Bonne lecture !

Yahyâ Hachem Samii